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LE JEU DE TRENTE-DEUX CARTES

adopté la démocratie sur le tard. Ils n’ont pas de formation sociale historique, d’organisation ad­ministrative, de traditions politiques et bureau­cratiques. Et il n’y a pas à craindre seulement que leur développement en soit retardé ou compromis. Ce qu’ils ont de plus précieux, la nationalité elle-même, peut être remis en question. Le régime des partis ouvre la porte aux intrigues de l’étranger. Les alliances seront l’enjeu des luttes publiques : éternelle histoire des « bonnets » contre les « chapeaux ». Aussi près de l’Allemagne, aussi pénétrés par elle qu’ils sont loin de nous, ces pays n’auront qu’une défense très médiocre contre une action méthodique qui trouvera des complicités à l’intérieur. Il s’en faut d’ailleurs de beaucoup que, dans ces pays, comme en d’autres, les éléments les plus avancés et les plus démocratiques, d’ordinaire soumis à l’influence du socialisme germanique quand ils ne sont pas tentés par le bolchévisme russe, nous soient naturellement dévoués. Il y a encore plus d’ignorance que de fatuité à s’imaginer que tous les peuples ont une inclination naturelle pour notre pays. Les moujiks nous ont bien montré que le Russe ne venait pas au monde avec un nez, deux yeux et le culte de la France. L’influence française en Europe était surtout un fait d’aristocratie. Elle tenait à une éducation soignée, qui elle-même impliquait un certain niveau social. Elle tenait aussi à des traditions héritées du temps où le prestige de notre civilisation et de notre langage n’avait pas