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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

et de masse des grands États qui les avoisi­naient, et, dans l’Europe des traités de 1919, les petits sont encore dominés par des géants. Enfin, ces petits États ont entre eux des haines et des querelles qui les rendent aveugles au bien gé­néral et à leur propre bien. Ce n’est pas en vain que, selon la remarque de l’écrivain américain Villiam Morton Fullerton, les Alliés ont « bal­kanisé » la moitié de l’Europe en s’abstenant avec soin de « balkaniser » l’Allemagne. Des mœurs balkaniques, qui ne sont que les mœurs éternelles des petits États, seront la consé­quence nécessaire d’une division qui s’est arrêtée au seuil de la race germanique, pour­ tant aussi apte que les autres à se diviser.

Tout cela réuni fait que la « barrière » des peuples libres n’existe pas ou qu’il suffira d’un rien pour la renverser. La coalition de ces peuples contre l’Allemagne et à nos côtés est une chimère. La « petite Entente » dont la Tchéco-Slovaquie a pris au mois d’août l’initia­tive était tout simplement une ligue des neutres, formée au moment où la chute de Varsovie semblait prochaine. Ainsi la Pologne eût été abandonnée et la France avec elle. C’est un avertissement. Si les nouvelles nations vivent toutes, nous avons chance de voir, entre amis et ennemis d’hier, les alliances les plus bizarres et aussi les plus instables. On sait que le nombre des combinaisons d’un jeu de trente-deux cartes est presque infini, et l’Europe compte désormais trente-deux États entre lesquel les combinai-