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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

nous disperse, nous envoie monter la garde et guerroyer dans des lieux lointains où jamais, avant les grandes démolitions, un soldat français n’avait paru et n’avait eu besoin de paraître. La France, à grands frais, doit conserver une puissante armée parce qu’elle n’a pas, vis-à-vis de l’Allemagne, les sécurités indispensables. Elle est seule, parmi les pays de l’Entente, à posséder une sérieuse organisation militaire qu’il ne sera jamais permis de considérer comme un luxe. Pour ceux qui se sont empressés de nous abandonner le fardeau de la conscription, la tentation est grande de tirer sur cette provision, de nous charger des plus ingrates corvées, de nous conférer le mandat de recevoir des coups et de récolter des rancunes pour des causes qui n’ont avec la nôtre qu’un lointain rapport. Gendarmes pour le compte d’autrui, nous avons ensuite à nous défendre contre des accusations d’impérialisme et de militarisme d’une hypocrisie intolérable. Cela ne peut pas durer. Notre armée est un capital national que nous ne devons pas gaspiller et, si nous le prêtons, ne prêter qu’à gros intérêts, c’est-à-dire seulement pour nos propres intérêts.

L’Angleterre a chez elle de nombreux soucis, de nombreuses tâches, et elle n’a pas d’armée. Elle a supprimé la conscription, mesure de circonstance, tardivement adoptée pendant la guerre, et qui répugne à ses mœurs. Vis-à-vis des Allemands, vis-à-vis des Russes, elle écarte, rejette ou remet à plus tard les solutions éner-