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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

vivre dans les mêmes conditions, la France est devenue réactionnaire. Et elle est allée naturellement dans le sens où elle était portée. Elle ne s’en rend pas toujours compte et l’un des plus beaux vers de notre langue l’a dit : « Rarement un esprit ose être ce qu’il est. » Oserons-nous être ce que nous sommes ? Depuis que, d’instinct, la France a manifesté sa répulsion pour l’esprit révolutionnaire tel qu’il est apparu au vingtième siècle sous ses formes franchement asiatiques, on aura beau faire, on aura beau dire : pour le monde entier, la France est le pays de la contre-révolution. C’est tellement évident, tellement sûr que l’étiquette réactionnaire nous est appliquée partout. Dans l’état présent du monde, nous n’avons qu’à la garder. Elle nous vaudra des sympathies nombreuses, car personne ne la porte avec cet éclat, avec ce prestige. Notre physionomie morale en est renouvelée, Et puis, il y a un besoin d’ordre croissant qu’aucun autre pays n’est capable de satisfaire. Nous avons un rôle à prendre. C’est même le seul rôle qu’il nous reste à prendre. Si nous retombions dans le radicalisme d’autrefois, pétri de concessions pour les idées révolutionnaires, nous perdrions toute raison d’être. Nous serions exposés, sans gloire et sans profit, à nous asseoir entre la réaction et la révolution. La réaction, nous en laisserions le bénéfice à d’autres. Quant à la révolution, ce n’est plus sur la France, désormais, que les