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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

normal et naturel qu’une guerre décisive, surtout quand elle a été une guerre de peuple à peuple, laisse au vaincu du ressentiment contre le vainqueur, tandis que le vainqueur, satisfait, ne comprend pas que le vaincu lui garde ran­cune. Telle a été, grossièrement résumée, l’his­toire des relations franco-allemandes de 1871 à 1914. Cette histoire a été, si l’on veut, celle d’un énorme malentendu, mais d’un malentendu qui était fatal de la part des Allemands. Elle s’est terminée d’une manière qui, dans la suite des siècles, enchantera également les moralistes vertueux et les moralistes railleurs. Les vain­queurs de Sedan ont, d’eux-mêmes, remis en question leur victoire. Bismarck leur avait pour­ tant assez répété de sages conseils qu’il résumait par le précepte : Quieta non movere. À défaut de Bismarck, le bon sens indiquait (et c’est ce qui empêchait certains Français de croire à la possibilité de la guerre) que l’Allemagne devait éviter de casser quoi que ce fût dans une Europe formée à sa convenance, d’attenter à un état de choses dont elle était l’unique bénéficiaire, et au maintien duquel elle était la plus intéressée. L’Empire allemand aurait dû être conservateur. C’est lui qui s’est chargé de tout renverser. À quoi cette formidable erreur a-t-elle tenu ?

Les Allemands vantent la méthode objective. C’est sans doute parce qu’ils sont les plus sub­jectifs des hommes. On peut dire que, de la paix de Francfort à la déclaration de la grande