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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

cessibles à la civilisation française. On ne peut citer aucune époque où l’empreinte germanique se soit marquée profondément sur la France. Il y a eu, au contraire, une époque où la France a trouvé en Allemagne des admirateurs, des alliés et des amis : c’est au dix-septième et au dix­-huitième siècle, lorsque l’Empire, selon le mot du prince de Bülow, était une « mosaïque dis­jointe », au lieu de constituer un corps de nation.

L’expérience a donc prouvé que les deux peuples n’étaient pas impénétrables ni condamnés à une hostilité éternelle. Mais, jusqu’ici, cette entente entre Allemands et Français n’a pu être obtenue qu’à une condition : c’est que l’Allemagne fût décomposée en ses éléments naturels, qu’elle ne formât pas un seul État centralisé, en possession d’une puissance poli­tique génératrice de la puissance militaire et qui appelle elle-même cette puissance militaire. Un Etat allemand, étant donné la place que l’Allemagne occupe au centre de l’Europe, sans frontières déterminées, avec des territoires contestés sur tout son pourtour, des prolongements et des îlots germaniques qui créent un irréden­tisme déclaré ou latent aussitôt qu’existe l’unité allemande, centre d’aimantation, cet État-là exige et postule le militarisme. Que ce soit celui des chevaliers de l’Ordre teutonique ou celui de la Reichswehr, c’est tout un. Le germanisme a inventé le militarisme parce que le germanisme a besoin d’une grande force mili-