Page:Baissac - Le Folk-lore de l’Île-Maurice, 1888.djvu/12

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Née depuis un siècle et demi à peine, sans caractères « ethniques » assez consolidés par le temps pour offrir une force de résistance suffisante, elle se transforme rapidement, par le mélange avec les races européennes d’abord, puis, dans une proportion bien autrement grande, par la fusion avec les races indiennes si libéralement introduites à l’île Maurice par un demi-siècle de production sucrière à outrance. Le type du noir créole pur se rencontre de moins en moins sur notre sol. Nous n’avons pas à nous prononcer ici pour ou contre cette oblitération de l’espèce ; mais la constater et en indiquer sommairement les causes était de notre sujet.

Il va de soi qu’en même temps que l’être physique, l’être moral se modifie de jour en jour : des besoins nouveaux ont amené d’autres habitudes de l’esprit. Le noir esclave, irresponsable, n’avait pas à se préoccuper de régler sa vie, et son imprévoyance native, cette imprévoyance naturelle à toutes les races inférieures, y trouvait son compte. La liberté lui imposa la réflexion. Il lui fallut songer au lendemain et combattre à ses risques et périls le combat de la vie. Beaucoup succombèrent : car ce n’est pas en quelques jours que la dure loi du travail fait accepter ses décrets. L’esclavage avait été pour eux l’obligation impérieuse de travailler, ils réclamèrent impérieusement de la liberté le droit de ne rien faire ; et la misère, les épidémies, les maladies de toutes sortes firent dans les rangs de