Page:Baissac - Le Folk-lore de l’Île-Maurice, 1888.djvu/456

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entières, pour les besoins du séga. À cette danse épileptique suffisaient quelques courtes paroles, pour soutenir jusqu’à épuisement de forces les danseurs galvanisés par le rythme implacable que martelait la marvanne.

Voilà nos lecteurs prévenus : de nos chansons créoles, les premières en date, nous n’avons qu’une phrase, rarement deux, à leur donner, et nous sommes à peu près sûr qu’elles n’en avaient pas davantage.

Une présomption en faveur de cette hypothèse.

Il y a quelques mois, le premier de l’an nous trouvait en villégiature à l’autre bout de notre immense pays, dans un quartier perdu, que sa distance même du centre brillant de notre civilisation n’a encore ouvert qu’imparfaitement aux lumières de notre bienfaisante aurore. C’était au bord de la mer. Le gardien du campement que nous occupions fêtait la bananée avec la dévotion des anciens jours, et sous son toit patriarcal avaient afflué le ban et l’arrière-ban de ses fils et de ceux qui étaient nés de ses fils. Les fêtes durèrent cinq jours, et, plus d’une fois, pendant ces cinq jours, nous pûmes nous croire revenu aux temps lointains de notre enfance, à ces temps bénis dont en tout pays, le nôtre excepté, il est admis qu’un cœur bien fait puisse conserver un pieux souvenir.