Page:Baju - L’École décadente, 1887.djvu/17

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excellente aubaine. Quelques naïfs croyant découvrir en nous des indices de fumisme, se mirent à le clamer bien haut, mais ils ne tardèrent pas à se taire, craignant de n’avoir pas pour eux l’honneur même de leur découverte.

La marche littéraire du Décadent n’a guère varié, quoique nous ayons accepté comme collaborateurs des hommes qui ne représentaient nullement l’idée décadente. Nous avons été large : nous avons convié tout le monde. C’était un tort sans doute, puisque beaucoup sont tombés dans un excès tout à fait opposé à notre but. C’est ainsi qu’on en a vu s’imaginer de bonne foi être décadents en défigurant les mots ou en bouleversant la construction des phrases.

Le bon sens public a fait justice, il est vrai, de ces indélicats innovateurs, mais il n’en est pas moins rejailli sur nous un blâme général pour leur avoir donné la raison d’être.

Le Décadent a été un organe ouvert à toutes les intelligences. Chacun a été libre d’y développer ses théories, quelque contradictoires qu’elles fussent avec les nôtres. Nous n’avons exclu personne. Notre journal a représenté l’école en général : symboliste, verlainiens, mallarmistes, quintescents, etc.

On s’étonnera peut-être de voir tant de groupes différents dans l’école décadente, mais il n’en pouvait être autrement, à une époque où tout est nuances et où les nuances elles-mêmes ont jusqu’à des sous-nuances imperceptibles.

Sans la création du Décadent, il est certain que la plupart de ces groupes n’eussent jamais existé ; il leur a fallu la protection de cette feuille puissante pour s’épanouir à l’aise.

Le premier qui s’est manifesté, celui qui semblait le plus sérieux par les hommes qui le composaient : Gustave Kahn, Jean Moréas, Paul Adam, Édouard Dujardin, Gaston Du-