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Ce mouvement littéraire ne date pourtant point d’aujourd’hui : Baudelaire pourrait en être appelé le vrai précurseur. On trouve dans les Fleurs du Mal le germe de toutes les beautés que nous admirons et surtout l’idée qui a présidé à la conception de l’école décadente.

Verlaine et Mallarmé qu’on peut en considérer comme les seuls initiateurs n’ont pas moins de vingt ans d’exercice l’un et l’autre dans l’occupation du nouveau genre d’écrire.

Et Rimbaud, ce frère intellectuel de Verlaine, presque divin par la langue, ravi si jeune à l’Art, mort, disent les uns, roi d’une peuplade sauvage, disent les autres, ou peut-être… qui sait ? Rimbaud n’a-t-il pas produit les Premières Communions depuis 1871 ?

Comme on le voit, cette littérature n’est point venue sans préparation, comme ces cryptogames vénéneux qui naissent n’importe où par une nuit d’orage ; elle est l’œuvre du temps ; sa gestation a été longue et son éclosion devait inévitablement se produire au moment où elle s’est faite. Si elle n’est pas arrivée plus tôt, c’est que le Naturalisme n’avait pas encore donné toute la mesure de sa passion pour les objets bas, vulgaires ou répugnants.

C’est au mois d’août 1885 que mes amis et moi, écœurés de cette littérature vénale, stérile et terre à terre où s’illustre Zola, et qui fait les délices du bourgeois sans âme, nous avons jeté au nom de tous ceux qui s’intéressent aux Arts, un formidable cri d’alarme ouï et répercuté par tous les échos à travers les deux Mondes.