Page:Baju - L’Anarchie littéraire, 1892.djvu/14

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Les Symbolistes sont des poseurs, à preuve l’anecdote suivante que m’a contée un respectable bourgeois qui n’y comprit absolument rien :

Un jour de l’été dernier, Léon Mateau et un poète de ses amis revenaient de la campagne où ils étaient allés, sans doute, commenter les derniers accidents de la vie d’Arthur Rimbaud. Comme ils prenaient le train pour rentrer à Paris, Mateau, au moment de monter en voiture, fit le geste d’épousseter les habits de son compagnon où quelque brindilles d’herbe se trouvaient attachées.

— Bah fit celui-ci, pas la peine ; je vous remercie, vous êtes trop bon.

— Mon cher, répondit l’autre, il ne faut donner aucune prise à la critique.

Je n’ai pas besoin d’ajouter qu’il n’y a là qu’une envie malsaine d’étonner le bourgeois et que tous les poètes de ce groupe ne la partagent certainement pas. Mais cela suffit à donner une idée de leur funambulisme.

En se séparant du groupe initial, les Symbolistes ont fait un grand fracas de manifestes. Par l’organe du Figaro, de la Vogue et de la Revue indépendante, ils ont annoncé au public que la littérature serait ésotérique, que dédaignant l’extériorité des êtres elle n’aurait à connaître que des modalités du moi. Ils ont cru tenir la clef d’une philosophie ; mais ils ont été les seuls à suivre cette voie : l’élite des penseurs ne les a pas entendus. Bien qu’ils aient produit un nombre incalculable de livres, ils n’ont pas à présenter une seule œuvre de résistance. Ils ont passé leur temps à bégayer les principes d’une esthétique bizarre, inhar-