Page:Baju - Principes du socialisme, 1895.djvu/36

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qu’on ne marche pas dans la nuit. Hélas ! ceux qui meurent de faim ne souffrent même pas de l’état social actuel ; ils ne souffrent pas, parce que pour souffrir il faut sentir, il faut avoir conscience de son mal. Semblables à des membres paralysés, ces malheureux subissent leur sort avec la passivité des choses. Et comment veut-on qu’ils aspirent à un état meilleur, eux qui n’ont jamais eu que cette conception de la Justice sociale : Il est nécessaire qu’il y ait des pauvres, afin qu’il y ait des riches !

Que les Socialistes se le persuadent bien : on ne peut arriver à l’établissement d’un régime égalitaire qu’avec l’égalité de l’instruction. Tant qu’existera l’enseignement primaire pour les uns, l’enseignement secondaire et supérieur pour les autres, il y aura forcément deux catégories de citoyens. Les enfants du peuple, qui restent à l’école juste le temps d’apprendre à lire les journaux bourgeois, ne peuvent devenir que les clients d’une aristocratie de Lettrés. Ceux qui acquièrent l’instruction intégrale formeront toujours les classes dirigeantes ; tous les autres, illettrés et ignorants, appartiennent aux classes dirigées : ce sont les exploités.

On gouverne par la supériorité intellectuelle : la force obéit à la pensée. D’ailleurs, l’histoire est là pour corroborer cette affirmation. Lorsqu’en 1789, la Bourgeoisie s’est substituée à la Noblesse, c’est qu’elle lui était réellement supérieure en savoir et en intelligence. Et on voudrait aujourd’hui qu’un prolétariat ignare, aveugle, inconscient pût remplacer une classe qui possède toutes les lumières et qui dispose de toutes les ressources ! Mais