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Socialisme qu’un des préjugés régnants disait être la négation de l’Art pour l’Art, en serait au contraire la voie directe, le moyen, l’affirmation. »

La faculté par laquelle nous concevons une œuvre d’art n’est point particulière ; elle résulte de l’harmonie parfaite de toutes les autres. La santé du corps et la tranquillité de l’esprit sont indispensables à l’artiste. Un homme débile et souffrant, en proie aux soucis de l’existence matérielle et quelquefois terrassé par la faim, peut avoir de beaux mouvements d’indignation ou de révolte, il est bien vite réduit à l’hébétement, à l’inertie, à l’impuissance. Il n’y a aujourd’hui que les rares privilégiés nés avec une fortune considérable qui pourraient avec fruit s’occuper de l’Art pour l’Art. Tous ceux qui n’ont pas la sécurité du lendemain sont les mercenaires du Capital ; du moment qu’ils ont besoin pour vivre du produit de leurs œuvres, ils n’agissent pas en toute indépendance, ils n’ont pas le droit de se réclamer de la famille des purs et incorruptibles esthètes.

Quant à la question de savoir si les choses de l’Art doivent être l’apanage de quelques-uns ou le domaine de la collectivité, nous ne la poserons même pas pour des raisons que nous avons déjà données et que nous développerons plus loin. Sans prétendre créer une génération d’artistes, nous voulons que tous les hommes soient capables de conceptions artistiques, qu’ils puissent sentir le Beau, l’apprécier, le goûter et que, s’il ne leur plaît pas à tous de produire des œuvres, ils en aient au moins la virtualité.

Pour arriver à ce résultat, il est indispensable de