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Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/132

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Les apprentissages à l’école, c’est vraiment n’importe quoi. Il faut avoir perdu le sens commun et en tout cas celui de l’humour pour pâlir devant des problèmes absurdes comme : « Une salle de cinéma mesure 26 m sur 15,75 m. Chaque trimestre, on pulvérise sur le parquet une huile anti-poussière ainsi que sur le parquet de l’entrée et des couloirs. La surface des accès est les 2/7 de la surface de la salle. a) Quelle est la surface totale des parquets ? b) Le fût d’huile pesait à l’achat 165,680 kg. Après trois huilages il ne pèse plus que 51,956 kg. La masse volumique de l’huile est 0,9. Quelle quantité d’huile pulvérise-t-on à chaque fois ? c) Quelle est, en microns, l’épaisseur de la couche d’huile pulvérisée en une fois[1]? »

Pauvres petits enfants, pauvres petits oisons bridés, ils ne rient pas, oh non, ils se morfondent.

Quand je pense que tous les jeux les plus séduisants pour l’esprit deviennent, dès que « scolaires », des besognes fades, niaises, insignifiantes. J’ai toujours été d’une parfaite nullité en mathématiques, je reste pourtant persuadée qu’elles peuvent procurer des joies fantastiques. J’ai été très passionnée « à l’idée de » faire de la physique et ma passion fut assassinée en six minutes au premier cours. Mais d’autres matières que je dominais mieux m’ont laissé semblablement le regret de n’en avoir pas joui ; les exercices de traduction, par exemple. Je crois qu’il existe peu de travaux demandant autant de finesse, d’intelligence et servant autant à apprendre une chose essentielle : traduire sa pensée à autrui. Nous passions pourtant des heures, plongés dans nos Bailly, nos Gaffiot ou apprenant des listes de mots anglais. J’aurais rêvé de phrases chinoises, celtes, portugaises dont on nous aurait donné la méthode de construction et le vocabulaire, on aurait cherché ensemble le sens, puis on se serait livré aux délices du fignolage.

Mais tout ce temps perdu… « Le latin et le grec, ça t’a formé l’esprit ! Ça t’a permis l’acquisition d’une certaine rigueur !…» Baratin ! Je vais te dire à quoi m’ont servi le latin et le grec : à faire chic dans certaines salles de rédaction auprès de vieux littéraires égarés face à la grossièreté de leurs confrères journalistes. Ne soyons pas chien, reconnaissons aussi que ça me permet de savoir écrire étymologie sans h (mais faut-il tant d’années pour retenir les cinquante racines grecques et latines qui permettent l’accès à l’intimité des mots ?).

C’est moi, plus sensible que ma mère aux hiérarchies du lycée, qui avais choisi de faire des langues mortes. C’était l’époque où faute d’être

  1. Dans La Pratique du calcul C.M.1, Henri Bréjaud, Nathan.