Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/149

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dissertent les censeurs autant que ça leur chante au sujet de « la pression immonde sur un enfant qu’exerce un adulte amoureux », mais qu’ils laissent les gosses tranquilles ! Je parie que de tout temps les enfants ont reçu davantage de raclées pour les punir d’avoir aimé que de raclées d’amants impatients. C’est quand même le comble, cette protection de la jeunesse contre les « abus » de pouvoir des adultes par les gens du pouvoir ! Un rien suspect, non ?

« Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie.

Ah ! Que le temps vienne
Où les cœurs s’éprennent. »

(Arthur Rimbaud, Chanson de la plus haute tour)

Il est délicieux de faire l’amour. Comment serait-il jamais trop tôt ou trop tard pour en profiter ? Les voluptés sexuelles des années bubble-gum n’ont rien à envier aux jouissances glorieuses des années « où l’on sait ». Au contraire, dans la mesure où notre civilisation a choisi l’étroitesse du génital au mépris du reste. Les enfants, c’est bien connu, font l’amour sous ses formes multiples avec toute leur chair, toute leur conscience. C’est cette souveraineté qu’on leur refuse : un petit môme qui jouirait de la vie par chacun de ses atomes, qui, métaphysicien, ne cesserait de dire « pourquoi », bref un enfant qu’on n’aurait pas « élevé » serait un danger absolu pour la société.

Ce n’est pas l’enfant en soi qui est porteur d’une vie différente, mais l’individu « non élevé ». Car en amour comme en pouvoir, les enfants peuvent se montrer cruels et sauvages (les enfants en désir de Tamina, dans Le Livre du rire et de l’oubli de Kundera, la violent, la brutalisent, l’humilient) et rien ne peut me laisser supposer que des enfants sans adultes seraient moins brutaux, plus raffinés ou plus aimants que dans notre société dominée par l’âge dit mûr. Qu’on imagine une société d’enfants et, comme dans Sa majesté des mouches de William Golding, on ne peut que réinventer les abominations de notre monde (pas en pire d’ailleurs — contrairement à ce que disent les langues blettes — mais tout à fait semblables).