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CONTRE LA NORMALISATION


« Pensez au contraste attristant qui existe entre l’intelligence rayonnante d’un enfant bien portant et la faiblesse mentale d’un adulte moyen. » Freud (L’Avenir d’une illusion).

Le comble du ridicule consiste à « se mettre à la portée des enfants » ; tu n’as qu’à voir les productions qui leur sont réservées (les papiers peints par exemple, oh ! les papiers peints !). Korczak, dans la lettre au lecteur adulte qui sert d’avant-propos à Quand je redeviendrai petit, dit très justement que ce qui est fatiguant, au contraire, quand on fréquente les enfants, c’est de devoir se hisser sur la pointe des pieds jusqu’à leur hauteur.


Tu sais combien je me bats contre cette idée insupportable que l’enfant est un futur adulte. L’enfant n’est pas une ébauche ni un projet d’adulte. L’enfant est un être total et présent. Un être qui peut mourir d’une seconde à l’autre.

Ces deux conceptions antagonistes sont incontestablement les plus révélatrices de ce que tel ou tel conçoit de l’homme. Pour les uns, nous appartenons à l’espèce humaine et les normes sociales permettent à l’ensemble des hommes de survivre : l’éducation est le procédé par lequel le projet social sur un être se réalise. Pour les autres, tout être est unique, existe en soi et offre à tous une chance de rencontre précieuse infiniment, pour peu que chacun — enfant ou adulte, homme ou femme, prisonnier ou « libre » — cherche à s’individualiser, à se reconnaître capable de refuser les contraintes sociales dans ses rapports avec l’autre.