Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/195

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Je ne cesse de répondre à ceux qui me demandent où j’en suis de mon « livre contre l’école » que je ne suis absolument pas contre l’école, que l’école ne me concerne pas le moins du monde. Je parle dans ces pages de l’intérêt à lui tourner le dos et à l’ignorer.

La critique de l’école m’intéresse d’autant moins que celle-ci se repaît avec délectation des indignations qu’elle soulève. On torture les cervelles avec Rabelais, Montaigne, Rousseau, Foucault. Tu te souviens d’Aline, alors élève dans une école normale, et qui a souffert toutes ses vacances de Pâques sur un devoir à faire dont Une société sans école d’Illich était le sujet. L’école digère. Tout fait ventre. « Elle s’adapte. » J’ai un ami professeur qui ne punit pas les élèves bavards comme d’autres collègues réactionnaires. Lui « note sur la convivialité, n’admettant pas qu’on empêche de travailler ceux qui veulent travailler ». (Je te pardonne, mon cher René, parce que tu es un homme merveilleux par ailleurs, mais ne t’étonne pas de ce que je lève les yeux au ciel !)


L’école ne sert à rien qu’à faire de la peine. Le désintérêt des mômes à son égard, l’absentéisme sont une autre forme de déscolarisation qui rejoint la nôtre. Paul Rozenberg, en 1974, concluait l’article des Temps Modernes déjà cité par ces mots : « Jour après jour, il nous faudra choisir : non pas quelle école pour les gosses, mais l’école ou les gosses. » Pourtant, les années scolaires succèdent aux années scolaires et les parents continuent, spectateurs plus ou moins attentifs, à regarder se débattre dans l’arène les pauvres petits gladiateurs. Ils disent que c’est pour leur bien. J’ai, quant à moi, une autre interprétation du fait : s’ils mettent leurs enfants à l’école, c’est d’abord pour faire comme tout le monde (ils ne se sont d’ailleurs jamais posé la question) ; ensuite parce qu’ils travaillent et ne veulent pas « les avoir dans les jambes » ; enfin pour se laver les mains de ce qui pourrait arriver à leurs mouflets : « J’ai fait ce que j’ai pu », le possible se confondant ici — quelle chance ! — avec l’obligatoire.

Inutile d’ironiser sur le fait que je ne connaisse que des gens qui blâment l’école. Parfois avec une violence inattendue. Ils y envoient néanmoins leurs mômes. J’en ai lu des articles, des livres écrits par des intellos contre les méfaits de l’Éducation nationale !… La plupart de ces penseurs ont des enfants qui subissent comme tout le monde les vicissitudes des changements de ministre ; ce qui demeure, c’est que leurs parents les ont bel et bien « confiés » avec ou sans devoirs du soir, notes, punitions, examens, à l’école. « Ce n’était pas de gaieté de cœur, disent-ils,