Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/198

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D.D.A.S.S. et de la Sécurité sociale. Qui hurle ? Cette mise en fiche dès la naissance n’empêche personne de dormir. On trouve normal que les parents assument un rôle ouvertement policier. Je n’ai pas de goût pour cela. Je ne suis pas absolument seule. Quelques individus ont reconnu l’inanité du système scolaire et en ont logiquement déduit leur résolution de ne pas y laisser pourrir leurs mômes. Ils n’ont pas voulu déléguer à une administration quinze années de la vie de leurs enfants. Quinze ans minimum au service de la patrie ! Et aucun moyen de se faire réformer ! D’habitude les parents, au bout du compte, récupèrent leurs rejetons infirmes à vie. À la guerre comme à la guerre, et il faut savoir ne pas se montrer trop sensibles !

Ceux qui ont choisi l’insoumission au service scolaire en ont payé le prix, c’est vrai ; je reparlerai d’eux. Si nous devions être toi et moi poursuivies, je crierais bien haut (pour rire) : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République » (Préambule de la Constitution française du 27 octobre 1946) et, comme une étrangère en ce pays, je demanderais qu’on veuille bien m’y établir une carte de séjour provisoire. Où irais-je sinon ? On est enseigné partout…

Les parents et adolescents qui ont critiqué l’école jusqu’à la refuser totalement l’ont fait très simplement. Dans Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes, Robert M. Pirsig répond à son fils qui lui demande pourquoi tout le monde croit à la loi de la gravitation universelle : « C’est de l’hypnose de masse — une hypnose connue sous le nom plus respectable d’éducation. » Ne pas céder aux hypnotiseurs ne requiert aucune capacité particulière ; il suffit de savoir désobéir, ce qui est à la portée du premier enfant venu. Comprends-moi bien : quand je parle de critique, je ne veux pas parler d’une analyse théorique de la situation ; la plupart d’entre nous n’avaient qu’une intuition de la malfaisance de l’école. Je me souviens de la surprise d’une des femmes de la Barque me disant en 1976 : « Je me suis renseignée. Personne parmi nous n’avait lu Illich ; je l’ai ouvert cette semaine : beaucoup de ce qu’on pense est dedans ! » Je n’avais pas encore lu Illich non plus et m’amusais de ce qu’elle considérât comme une coïncidence ce phénomène bien classique du « courant d’idées ». En réalité, on avait plutôt l’impression, hommes et femmes, de se conduire comme des « animales » qui préféraient se faire tuer plutôt que de supporter qu’on massacre leurs petits. Beaucoup ne savaient pas exprimer autrement cette décision inébranlable de ne pas laisser détruire leurs enfants à l’école. Cette volonté sauvage n’en était pas moins cohérente