Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/38

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charge l’aspect matériel de l’éducation et non son contenu. C’est aussi, en réalité, la position des parents qui créent un lieu du genre école parallèle pour lequel ils demandent la fameuse « reconnaissance » ; ils disent fréquemment que c’est pour obtenir des subventions ou « ne pas perdre le bénéfice des allocations familiales »[1]. Cependant, l’État qui jouait le rôle du protecteur à l’inépuisable providence est devenu un État clientélaire qui vend ses services et les rentabilise ; quand il achète telle ou telle école parallèle, ce n’est pas pour la mettre dans un bas de laine. En affaires, l’État est intraitable et on n’a jamais vu qu’un prétendu « devoir » de l’État (comme « dispenser un enseignement ») ne s’accompagnât pas d’autant de sujétions y afférentes.

Le « lieu pour enfants » qui se fait reconnaître par l’État devient une « école de pointe ». Si elle sert l’État, en inventant par exemple des méthodes d’éducation plus efficaces, elle deviendra exemplaire et perdra tout caractère contestataire (pour autant qu’elle en ait jamais eu) ou bien elle sera isolée, contrôlée jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Il est toujours bon de prendre du pouvoir même si on ne prend pas le pouvoir. Et je suis réformiste quand ça me plaît de réformer. En attendant l’abolition de l’école, je suis pour sa séparation d’avec l’État. Pour les écoles privées ? Oui, pour les écoles privées de tout. Qu’il soit interdit de payer l’enseignement ni en espèces comme dans les écoles dites libres, ni en nature comme dans les écoles laïques.


Je ne suis pas plus anarchiste que française, mère de famille ou homosexuelle. Les étiquettes sont toujours petites, singulièrement trop petites. Je ne t’ai jamais formée à quelque contestation que ce soit. Ces choses-là ne s’apprennent pas, serait-ce entre frères. Même les écoles créées par de vrais anars garantis, comme la Ruche, se sont toujours refusé à « fabriquer des anarchistes ».

De moi je ne saurais rien dire, de nos amis, je dirai qu’ils sont rebelles, au sens où Jean Sulivan l’entendait : « J’appelle “rebelle” qui est conduit, à cause d’une certaine santé, à relativiser les idées et automatismes produits en lui-même par la société […]. Sa mission est de désigner l’absence. Ce n’est pas sa mission. C’est sa nature[2]. »

  1. On a vu que c’était une pessimiste erreur au regard de la loi.
  2. Matinales, Jean Sulivan, Gallimard, 1979.