Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/54

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Le soir, lorsque Bonne-Poulette, un peu lasse de sa longue journée de travail, se reposait au coin de son feu clair, dans sa jolie maison confortable, elle se disait avec un soupir de contentement qu’elle était une bien heureuse ménagère, la plus heureuse des ménagères… surtout quand elle entendait le vent mugir dans le bois voisin ou la pluie tomber sur les feuillages ou le Renard et le Chat-Sauvage en chasse crier dans le noir et dans le froid.

Pourtant, certains soirs, il arrivait à Bonne-Poulette de s’ennuyer, oui ! Le temps lui semblait long ; elle aurait aimé voir quelqu’un en face d’elle, de l’autre côté de l’âtre, pour lui tenir compagnie ; elle lui aurait servi le café, aurait ouvert un pot de confitures ; ils auraient bavardé tous les deux…

Voilà qu’une nuit, Bonne-Poulette entendit des gémissements et des appels qui semblaient venir de derrière la haie de son jardinet. Vite et vite, elle se leva, mit sa cape, enfila ses sabots et courut au dehors, sa lanterne à la main car il faisait très noir.

Elle découvrit Chat-Sauvage étendu dans l’herbe et gravement blessé : une patte démise, un œil fermé et sa belle fourrure était salie, écorchée, trempée.

Tout apitoyée, Bonne-Poulette se hâta de secourir la pauvre bête :

— Pauvre, pauvre Chat, qu’est-il donc arrivé ?… Pourquoi aussi t’en vas-tu courir les bois à cette heure ?

— C’est le Renard et le Putois, expliqua le Chat d’une voix essoufflée, je me suis battu à mort contre eux… Ils prétendaient que j’étais sur leur terrain de chasse…

Le blessé ne put en raconter plus long car il s’évanouit. Bonne-Poulette dut appeler les voisins qui l’aidèrent à le transporter jusque dans sa maison. Elle le coucha dans son propre lit sous l’édredon à fleurs, le lava, le pansa, banda ses blessures, lui fit boire beaucoup de tisane et le veilla jour et nuit jusqu’à ce qu’il fût guéri.

Oui ! Bonne-Poulette, sans pour cela négliger sa maison, soigna Chat-Sauvage des jours et des jours et elle n’avait plus du tout le temps de s’ennuyer, même le soir…

Et elle fut bien contente, lorsque le blessé se trouva assez fort pour s’asseoir en face d’elle, de l’autre côté de la cheminée.

— Comme vous êtes donc bonne, Dame Poulette miaulait gentiment le Chat, et comme on est bien dans votre maison ! Tout y est joli, confortable… Et si vous me gâtez ainsi, je vais finir par engraisser !

Mais plus ses forces revenaient, plus souvent Chat-Sauvage regardait par la fenêtre, celle qui donnait sur le bois : il regardait les branches qui s’agitaient dans