Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/92

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jouissent pas moins d’une autorité reconnue. Il est même admis qu’un adulte non-violent peut ne pas lever la main sur un gamin (c’est même devenu la règle dans l’institution scolaire française), mais il est inadmissible qu’un adulte se conduise avec un enfant comme avec un égal (par exemple demander à un môme de quatre ans s’il préfère habiter dans telle banlieue ou tel arrondissement, ou ce qu’il pense des élections européennes, ou s’il s’intéresse aux gadgets de la libération sexuelle, etc.). Si un adulte avait exactement la même attitude avec un enfant qu’avec « quelqu’un de normal », on le prendrait pour un malade mental (ou un délinquant s’il s’avisait de « détourner » l’enfant du droit chemin).

L’autorité de l’adulte, c’est-à-dire le pouvoir d’imposer l’obéissance, découle de sa fonction (de son esclavage même). Il est, lui, à sa place, « parvenu au terme de sa croissance » comme dit le dictionnaire. L’enfant n’a pas encore eu le temps d’assimiler tout ce qui fera de lui un être artificiel. Il n’est pas encore conforme, bien qu’il le désire (ne pas sous-estimer la complicité de l’enfant dans cette sombre histoire).

La fonction de l’adulte, vis-à-vis de l’enfant, est de le former, de l’éduquer. La fonction unique de l’enfant est d’être éducable. Ces fonctions sont admises par les deux parties, si bien que les rouages tournent. Du point de vue sociologique, la fonction permet à la mécanique de fonctionner et on peut expliquer chaque rouage de cet engrenage en circuit fermé par les autres pièces. La soumission vient de l’autorité qui vient de la soumission, etc. L’autorité, en d’autres termes, vient de ce que ça marche. La soumission vient de ce que ça marche. Ça : la société prise dans son ensemble.

Ça marche, mais ça ne va pas dans mon sens. Là est la question. Face à cette mécanique, je ne peux résoudre un problème éthique à partir de données sociologiques. Car lorsque je demande : « Pourquoi cette mécanique-là et pas une autre ? », on me répond : « Parce que la société ne peut fonctionner que sur les bases d’une discipline (d’une éducation) rigoureuse. » En faisant semblant de répondre à mon pourquoi, on répond au comment.

L’homme est un animal social (comme le rat). Oui, entre autres… Mais on peut dépasser ce « stade-là », non ? Je ne suis même pas certaine que l’homme descende du singe mais je suis à peu près sûre de venir de l’« animal social » appelé homme. Et pourquoi n’irais-je pas plus loin ? Je ne suis pas amateur de science-fiction et je ne veux pas rêver d’un monde où les gens auront évolué jusqu’à s’individualiser. Je n’ai pas le temps et c’est dans ma vie que je veux passer de l’animal social, que j’étais en naissant, à mon individualité. Et ne plonge pas, petite fille,