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coup de revolver une fillette de son âge aux États-Unis. Le juge se veut imperturbable et l’on perçoit pourtant dans un tremblement du regard sa révolte quand il dit d’une voix blanche avoir reçu un nombre incalculable d’appels téléphoniques de gens respectables réclamant la pendaison de l’enfant.

Mais même dans nos pays moins évolués, nous sentons bien que ces attardés mènent un combat dépassé. On fera peut-être plus désastreux qu’avant mais pas à l’identique.

Autres temps, autres mœurs. Et il en est ainsi de la prison. Beaucoup — et pas uniquement parmi les non-violents et les compatissants — pensent que la prison est obsolète. Ce que veut le peuple, ce n’est pas la prison mais la punition. Pratiquement personne ne s’oppose à la suppression des peines d’enfermement pourvu seulement qu’elles soient remplacées par autre chose « de mieux ». L’opinion publique n’existe pas, elle n’est que la résultante des forces de pression dont les médias se font l’écho. Petit à petit, l’idée de quelques gestionnaires à la page selon laquelle l’incarcération ne sert à rien et surtout pèche par son archaïsme se glissera dans les interstices des planches où se produisent les ténors. Ainsi pour les « modernes » (jeunes et vieux branchés) l’abolition des prisons va dans le sens de l’Histoire, il ne faudrait pas rater ça. Lors des émeutes de mai 1985 dans plusieurs centres pénitentiaires, un journal considéré bien à tort comme plus réactionnaire que d’autres posait cette question en première page et en gros caractères : « La prison ne sert à rien mais par quoi la remplacer ? » (Le Parisien libéré).

L’emprisonnement à but lucratif ne retardera pas le processus car nous verrons qu’il a toute sa place dans une nouvelle politique où l’ennemi à supprimer sera mieux ciblé. Aucun avenir radieux ne risque de nous éblouir.

Pour le moment, retenons ceci : pratiquement tous les professionnels, avec l’appui du vulgum pecus, sont d’accord pour reconnaître en la prison un pis-aller qu’il vaut mieux, dans l’intérêt de la Société, chercher à éviter. Des peines alternatives existent.