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Ces contrôles sont le propre de l’emprisonnement (surveillance de l’espace, du temps, des occupations, des fréquentations). Les peines privatives de liberté n’ont pas besoin de quatre murs pour enfermer quelqu’un. D’autant qu’elles s’accompagnent les unes et les autres de diverses mesures toutes chargées de menaces.

Ce qui se mijote à l’aube du XXIe siècle n’est pas très réjouissant. Un détenu m’écrivait « Mieux c’est, pire c’est ! ».


Mais que font donc les modernes ? On peut fort bien sortir de prison 80% des détenus sans alarme ni scandale : le bracelet électronique serait effectivement utilisé comme prévu pour les prévenus en détention provisoire avant leur jugement ; les toxicomanes qui causent tant de difficultés aux surveillants seraient envoyés dans des lieux de soins ; nous avons vu que les autorités compétentes estimaient à un tiers de la population carcérale les malades mentaux, ce ne serait sans doute pas un luxe inutile d’en confier au moins une bonne moitié à des psychiatres ou à des associations de patients ; cela ne choquerait pas grand monde si les malades en fin de vie étaient graciés ; les étrangers n’ayant commis aucune autre infraction que d’être en situation administrative irrégulière encombrent étonnamment les maisons d’arrêt et, sur ce terrain, même au ministère de l’Intérieur, on s’accorde à voir dans la détention la réponse la plus déphasée possible au problème posé ; quant aux petits délits, on sait que l’opinion publique applaudit de ses millions de mains au travail d’intérêt général.

Ainsi le contribuable, surtout s’il savait ce que lui coûte une journée de prison[1], accepterait, d’un bon cœur avisé, la libération de quatre cinquièmes des détenus (à condition qu’ils soient punis sévèrement mais autrement que par l’incarcération) pourvu que le dernier cinquième, les « vrais criminels », ne sorte jamais.

Pour eux on peut craindre le pire.

  1. 62 euros. Qu’on fasse le calcul : un condamné à un an coûte 22 630 euros. À dix ans…? Et 59 155 détenus. ?