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Pendant que les gens de robe cherchent à moderniser les formes du châtiment, l’administration pénitentiaire ne veut pas être en reste. La prison si archaïque est — on a peine à y croire — aujourd’hui repensée.

Depuis près d’une vingtaine d’années, les principes du libéralisme triomphent et il fallait bien inventer une réclusion libérale, pas franchement dans ce sens vieilli d’une doctrine cherchant à garantir les libertés individuelles, mais en celui que nous connaissons à présent de ce qui prône la primauté de l’entreprise, la concurrence entre tous et le libre jeu des initiatives individuelles. Que le meilleur féroce gagne. Ce libéralisme ne déteste rien tant que les faibles.

En 1996 sont apparus les PEP, projets d’exécution des peines. Il s’agit d’un « projet commun à l’ensemble des intervenants en milieu pénitentiaire, permettant de signifier au condamné ce que l’institution attend de lui ». Le détenu est censé se fixer des objectifs et s’engager par contrat à les respecter. Les étapes en sont fixées dans un livret qui le suit d’établissement en établissement. S’il obtient de bonnes notes, ce ne peut qu’être un signe de sa volonté de réinsertion (le mot réinsertion a remplacé celui d’amendement mais garde pratiquement la même fonction si ce n’est le même sens) et on en tiendra compte… le moment venu.

En revanche s’il ne s’en sort pas, ce sera absolument de sa faute. Au moins l’administration pénitentiaire aura tout fait pour qu’il puisse rentabiliser son temps de prison !

Dans le très remarquable chapitre qu’il consacre à l’ethos de la performance[1], Thierry Pech fait remarquer que cette idée de s’approprier le temps et de ne pas le gaspiller est au cœur de l’éthique protestante et de l’esprit du capitalisme comme l’avait vu Max Weber.[2]

Le PEP repose sur un contrat. Déjà auparavant — mais c’était comme un peu honteux, en tout cas secret — le détenu « négociait »

  1. Dans Et ce sera justice, op. cit.
  2. Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Plon, 1994.