Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/126

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Le libéralisme a besoin de justifier les sacrifices individuels qu’il exige, il doit être religieux : il a besoin d’une foi en une liberté transcendante (qui s’avilirait d’être concrète, elle est — alléluia ! — purement abstraite). En prison comme dehors, contre toute évidence, il faut s’affirmer pleinement libre. Les projets d’exécution des peines instituent une solidarité entre le détenu et l’administration pénitentiaire. On attend du prisonnier une entière collaboration. Il donne ainsi pleinement raison à l’institution, d’où le succès considérable remporté par les PEP auprès des surveillants ! Le condamné doit faire sien le jugement qu’a prononcé contre lui la société, s’y rallier de toute sa bonne volonté. Cette joyeuse obéissance peut être une comédie, là n’est pas la question, ce qu’on veut obtenir du détenu, c’est qu’il montre qu’il est capable comme tout un chacun de spéculer sur l’évolution de son prix. Ceux qui refusent de coopérer feront plus d’années de prison. « Ainsi, le Code de procédure pénale dispose que, sauf avis contraire du juge d’application des peines, "les personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins, et qui refusent de suivre un traitement pendant leur incarcération, ne sont pas considérées comme manifestant des efforts sérieux de réadaptation sociale” ; autrement dit, ces personnes ne pourront pas bénéficier d’une réduction de peine. »[1]

Mais alors on imagine la tragédie que vit la victime d’une erreur judiciaire. « Le 30 juin 1975, je fus le seul détenu du centre de détention de Caen à ne pas bénéficier de permission pour le motif "Se prétend innocent et n’accepte pas sa peine”. »[2] Récemment encore, une avocate avait signalé à la presse le cas de Lucien Léger qui venait d’accomplir 37 années de prison. On rejette sa demande de libération conditionnelle — il y a pourtant droit — sous prétexte qu’il n’a jamais cessé de clamer son innocence depuis son incarcération après le meurtre d’un enfant de onze ans. Les psychiatres le trouvent tous apte à sortir, mais la justice

  1. Thierry Pech, Et ce sera justice, op. cit.
  2. Roger Knobelspiess cité dans Au pied du mur, op. cit.