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pourrait être n’importe qui d’autre. Parlant du maître vis-à-vis de l’élève, il écrit : « Il faut qu’il blâme d’une façon ostensible l’acte qui a été commis, qu’il le réprouve avec énergie ; cette réprobation énergique, voilà ce qui constitue essentiellement la peine. Ainsi la fonction essentielle de la peine n’est pas de faire expier au coupable sa faute en le faisant souffrir, ni d’intimider, par voie comminatoire, ses imitateurs possibles, mais de rassurer les consciences que la violation de la règle a pu, a dû nécessairement troubler. […] C’est le blâme porté sur la conduite tenue qui seul est réparateur. […] Aussi le traitement de rigueur n’est-il justifié que dans la mesure où il est nécessaire pour que la réprobation de l’acte ne laisse place à aucun doute. »[1]

Durkheim fit des émules parmi les magistrats d’avant la première guerre mondiale. Ce fut aussi la Belle Époque pour le Droit ! On a peu réfléchi comme alors… Cependant les juges tout comme Durkheim ne pouvaient se cacher que le blâme en lui-même était déjà violent dès lors que quelqu’un était accusé d’avoir commis un délit ou une erreur. Chacun fait ce qu’il peut à un moment donné. Ce qu’il peut dépend de l’estime qu’il a de lui-même, on a tout à gagner à lui rendre cette estime, et au prix fort.

Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719), fondateur des « petites écoles chrétiennes » s’interrogeait déjà sur ce qui pouvait différencier une punition et même une sanction de n’importe quelle autre violence. Il prônait la compréhension de la faute autant que celle du coupable.

Que peut-il sortir de bon du blâme et de la vexation ? Dans l’état actuel des choses, le procès est toujours une cérémonie de dégradation, il vous couvre d’opprobre quand bien même vous seriez relaxé à la fin des débats. Il ne peut rien en résulter de valable pour l’accusé, qu’on suive ou non Durkheim quant à son utilité pour rassurer la Société sur la fixité de ses valeurs. C’est pourquoi nous ne pouvons entrer dans les vues du juge Antoine Garapon qui défend l’idée de la confrontation judiciaire dans un procès comme « en soi un

  1. Émile Durkheim, L’éducation morale, PUF, 1963.