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pénale potentiellement illimitée dirigée vers l’ensemble des actes jugés indésirables. »[1]

En effet, ces dernières années, on criminalise en dépit du bon sens un peu n’importe quoi et Christian-Nils Robert, professeur de droit pénal et de criminologie à l’université de Genève, s’étonne du manque de bon sens qui caractérise les législateurs, il prend l’exemple du « délit d’initié » pour lequel il est bien chimérique de vouloir vérifier s’il y a eu ou non volonté d’utiliser des informations confidentielles, ou encore celui de toutes ces lois sentimentales dictées par les lobbies du politiquement correct : les lois supposées réagir contre le racisme font pire que mieux, celles sur le harcèlement sexuel ont des retombées assez scabreuses et sont de toute façon impossibles à faire respecter. Inutile d’insister sur les infractions aux autorisations de séjour des étrangers qui multiplient, repoussent et aggravent les problèmes.

Christian-Nils Robert est surtout connu pour ses arguments rigoureux en faveur de la dépénalisation de la drogue[2]. L’intérêt ne serait pas seulement de vider les maisons d’arrêt, mais de juguler à la source la délinquance des cités tout autant que les principaux réseaux maffieux du monde : ils n’existent que parce que la drogue est interdite[3]. Si les drogues étaient vendues en pharmacie ou disponibles dans les locaux de certaines associations, il n’y aurait pas de hausse de la consommation car le trafic maffieux est si bien organisé qu’on peut déjà trouver partout ces produits illicites, il suffit d’en vouloir.

L’interdiction de la vente de tabac aux mineurs a été la plus belle aubaine de ces dernières années pour les joyeux trafiquants des cités. Étrange qu’on ait oublié si vite comment la prohibition a permis le plus arrogant « empire du crime » qui ait jamais existé…

  1. L’industrie de la punition, op. cit.
  2. Et ce dès 1972. Cf. H. Solms, P. Feldmann, J. Burner, « Stupéfiants : une certaine répression sans avenir » dans Jeunesse, drogues et société, Genève, 1972.
  3. Interview sur France Culture du 2 août 2002 dans la série d’émissions Au cœur de la prison, le châtiment produite par Catherine Baker et réalisée par Judith d’Astier.