Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/20

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sens étymologique, c’est-à-dire le conduire, l’amener à une bonne conduite. Les défenseurs de ce point de vue considèrent que le délinquant est un enfant à « corriger » ; différentes conceptions de l’éducation coexistent alors, il faut conditionner, dresser, instruire, transformer les lieux de détention stériles en vrais camps de rééducation.


Selon que l’on reconnaît comme valeur suprême la Loi « d’en Haut », la Société ou l’Individu[1], on justifie donc la peine selon les trois grands axes ci-dessus. Ils s’interpénètrent souvent. Nous ne ferons qu’effleurer les noms des partisans dont pourraient se réclamer les uns et les autres. C’est un exercice trop superficiel pour qu’on ne s’y livre pas sans un peu de honte, mais peut-être permettra-t-il à quelques-uns de se situer, du moins de repérer leurs alliés.

Dans la première conception que nous avons appelée légaliste ( « La Loi c’est la Loi » ), on serait tenté et aussitôt retenu de faire figurer Platon. Dans le Criton, Socrate en prison tente de prouver à celui qui cherche à le faire évader qu’il est nécessaire d’obéir aux lois de la cité, même injustes : Socrate estime qu’il a raison de garder son jugement libre, qu’il a raison aussi d’obéir.

C’est l’un des dialogues de la première période de Platon ; il est fier de celui qui n’a pas voulu se dérober à la mort. D’accord, nous aussi. Mais si au lieu de mourir, Socrate avait été contraint de tuer ? Sous la tyrannie des Trente, il avait refusé d’arrêter Léon de Salamine, un démocrate. Mais la démocratie revenue, il accepte son jugement, même inique.

Platon, par rapport au châtiment reste dans une sorte d’interrogation. Il affirme dans le Criton (et le réaffirmera par la suite) qu’on ne doit pas faire de tort à celui qui vous a fait du mal, mais plus tard, dans le Gorgias, il justifie les peines données en justice

  1. Remarquons en passant que l’Individu avec un I majuscule n’a pas grand-chose à voir avec les individus au i minuscule. On aura compris que l’auteur ne s’intéresse qu’aux individus, si minuscules soient-ils.