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Les femmes en prison — même lorsqu’elles ne sont condamnées qu’à trois mois — sont écorchées vives par la séparation d’avec les enfants. Elles se trouvent dans une situation de panique sans équivalent, horrifiées à l’idée qu’on les place. Les trois quarts des femmes en ont et la plupart — d’où leur délinquance — vivaient seules avec eux. Les femmes enceintes peuvent garder leur enfant deux ans. Puis on le leur prend. Même les surveillantes en frémissent. Le travail d’intérêt général permet à certains magistrats de choisir une alternative à la prison. Mais les juges étant des gens bien élevés, leur conception d’une « bonne mère » laisse peu de place à la simple compassion.

Des détenus, bien plus rares, aiment d’un grand amour leurs parents (ou plus fréquemment se mettent à les aimer au bout de quelques années) et vivent dans la hantise de ne pouvoir être là pour leurs derniers moments. À la limite un directeur pourra accorder le droit à un détenu (entouré de deux gendarmes) d’assister à des funérailles, mais un dernier moment… comment savoir le temps que durera un dernier moment ?

Cette même anxiété se retrouve chez ceux, nombreux qui, condamnés pour drogue, savent leur ami ou amie atteint du sida. Anne-Marie Marchetti a rencontré elle aussi dans sa belle enquête cette peur des détenus de ne pas être là pour la mort de leurs proches.

La mort des autres les hante, mais on devine ce que représente pour eux tous et en particulier pour les condamnés à perpétuité, la peur de mourir seul en prison. Ils savent bien qu’il n’y aura pas un surveillant pour leur tenir la main et qu’à plus forte raison, aucun proche n’aura la permission de les assister dans leur agonie.

En centrale, on a le droit d’avoir une cellule pour soi seul et si ce luxe est très apprécié de presque tous (spécialement chez les nombreux candidats au suicide), il fait peur aux grands malades, surtout aux cardiaques et aux asthmatiques, deux catégories sur-représentées en prison, sans aucun doute à cause de l’angoisse.