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Le nouveau Code pénal est nettement plus répressif que l’ancien[1], les peines infligées sont de plus en plus longues, la maladie mentale règne en maîtresse dans les cellules ou sur les coursives et l’on se suicide comme jamais dans l’histoire carcérale.

On assiste à une tragique surenchère. Plus l’État est répressif, plus violents en retour le goût du défi et la haine.

Pour des faits identiques, la durée moyenne de détention a doublé depuis 1980 ; les détenus ayant été condamnés à perpétuité sont passés de 185 à 554 en 2002[2]. Première conséquence de cet allongement des peines : le nombre des plus de 60 ans n’a pas doublé, non, il a été multiplié par cinq ! La machine s’est emballée et fonce dans la déraison. La peine perpétuelle était censée remplacer la peine de mort dans l’esprit de ceux qui l’avaient abolie !

La perpétuité « réelle », c’est-à-dire incompressible, sans libération conditionnelle possible, a été introduite en France contre les meurtriers d’enfants par la loi du 1er février 1994[3] (dite loi Méhaignerie). Il ne s’agit que de châtier implacablement et non de « protéger la société » car une étude de Pierre-Victor Tournier, du CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales) qui dépend du ministère de la Justice, montre clairement que les auteurs des crimes les plus graves ayant été condamnés à mort, s’ils restent en vie et sont libérés, ne sont pas plus dangereux que n’importe lequel d’entre nous ; ainsi sur 82 condamnés à mort graciés et sortis depuis six à vingt ans, trois seulement sont retournés en prison : un vol simple, un vol avec violence, un attentat à la pudeur.

  1. Avant, 14,4 % des infractions pouvaient vous valoir la perpétuité ou une peine de trente ans, 17,4 % aujourd’hui. Lire sur ce sujet Pierrette Poncela et Pierre Lascoumes, Réformer le Code pénal. Où est passé l’architecte ?, PUF, 1998.
  2. Source : Sous-direction des statistiques, des études et de la documentation du ministère de la Justice.
  3. Articles 221-3 et 221-4 du nouveau Code pénal. Cette loi a été bien sûr votée au lendemain d’un crime particulièrement médiatisé sous les clameurs d’appel au meurtre des associations de victimes.