Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La gauche en rêvait, Raffarin l’a fait. Les centres éducatifs fermés pour les jeunes à partir de 13 ans sont « des établissements publics ou privés habilités […] dans lesquels les mineurs sont placés en application d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve […]. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint […] peut entraîner le placement en détention provisoire ou l’emprisonnement du mineur. »

La loi prévoit également l’instauration d’une procédure de jugement rapide « à délai rapproché » et les professionnels de s’inquiéter de ce que ces jugements aussi capitaux pour la vie des enfants ne s’appuient que sur des actes de police.

« Quels sont ces éclairs ces bruits
C’est un enfant qui s’enfuit
On tire sur lui à coups de fusil […] »[1]

La loi du 9 septembre 2002 crée aussi le « délit d’outrage à enseignant » puni de six mois de prison ferme et/ou de 7 500 euros d’amende. Les enseignants n’ont pas bronché. En revanche, dès le 3 mai, des magistrats et directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse avaient réagi contre ce qui se tramait et avait été annoncé par le candidat Jacques Chirac.

Les historiens ont été renversés de l’amnésie de nos gouvernants. Les maisons de correction ont été fermées parce qu’elles étaient des « impasses institutionnelles »[2] et des réponses parfaitement inadaptées à la question de la délinquance des jeunes. Tous ceux qui ont étudié l’histoire des maisons de correction ou de redressement savent combien ces centres prévus pour « l’éducation des jeunes » ont généré chez eux de la pure barbarie.

Dès 1832, soucieux de ne pas mélanger dans les prisons les vieux de la vieille et les jeunes délinquants, on a construit la

  1. Jacques Prévert, extraits de « Chasse à l’enfant », dans Paroles (1946), poème directement inspiré de la répression honteuse qui suivit la révolte des enfants de Belle-Île.
  2. L’expression est de Françoise Tétard, historienne, ingénieur au CNRS (Centre d’histoire sociale du xxe siècle). Lire entre autres « Les maisons d’in-correction » dans le no 5 des Idées en mouvement.