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Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/264

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vage le salariat, auquel doit succéder d’abord le jour terrible de la justice, et plus tard, beaucoup plus tard, l’ère de la fraternité. Voilà les phases par lesquelles le combat animal pour la vie se transforme graduellement, dans l’histoire, en l’organisation humaine de la vie.

Et au milieu de cette lutte fratricide des hommes contre des hommes, dans cet entre-dévorement mutuel, dans cet asservissement et dans cette exploitation des uns par les autres qui, en changeant de noms et de formes, se sont maintenus à travers tous les siècles jusqu’à nos jours, quel rôle la religion a-t-elle joué ? Elle a toujours sanctifié la violence, et l’a transformée en droit. Elle a transporté dans un ciel fictif l’humanité, la justice et la fraternité, pour laisser sur la terre le règne de l’iniquité et de la brutalité. Elle a béni les brigands heureux, et pour les rendre encore plus heureux, elle a prêché la résignation et l’obéissance à leurs innombrables victimes, les peuples. Et plus l’idéal qu’elle adorait dans le ciel semblait sublime, plus la réalité de la terre devenait horrible. Car c’est dans le caractère propre de tout idéalisme, tant religieux que métaphysique, de mépriser le monde réel, et, tout en le méprisant, de l’exploiter — d’où il résulte que tout idéalisme engendre nécessairement l’hypocrisie.

L’homme est matière, et ne peut pas impunément