Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/294

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Mais, dira-t-on, le monde était parfait, seulement il était moins parfait que Dieu. À cela, je répondrai que, lorsqu’il s’agit de la perfection, on ne peut pas parler de plus ou de moins ; la perfection est complète, entière, absolue, ou bien elle n’existe pas. Donc, si le monde était moins parfait que Dieu, le monde était imparfait ; d’où il résulte que Dieu, créateur d’un monde imparfait, était imparfait lui-même, qu’il reste imparfait, qu’il n’a jamais été Dieu, que Dieu n’existe pas.

Pour sauver l’existence de Dieu, Messieurs les théologiens seront donc forcés de m’accorder que le monde créé par lui était parfait à son origine. Mais alors je leur poserai deux petites questions. D’abord, si le monde a été parfait, comment deux perfections pouvaient-elles exister en dehors l’une de l’autre ? La perfection ne peut être qu’unique ; elle ne permet pas de dualité, parce que, dans la dualité, l’un limitant l’autre, le rend nécessairement imparfait. Donc, si le monde a été parfait, il n’y a pas eu de Dieu ni au-dessus ni même en dehors de lui, — le monde lui-même était Dieu. — Une autre question. Si le monde a été parfait, comment a-t-il fait pour déchoir ? Jolie perfection que celle qui peut s’altérer et se perdre ! Et si l’on admet que la perfection peut déchoir, donc Dieu peut déchoir aussi ! — Ce qui veut dire que Dieu a bien existé dans l’imagination croyante des