Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

devenus si célèbres : « Laissez faire et laissez passer. » Mais elle n’aime cette anarchie que pour elle-même et à condition seulement que les masses « trop ignorantes pour en jouir sans en abuser » restent soumises à la plus sévère discipline de l’État. Car si les masses, fatiguées de travailler pour autrui, allaient s’insurger, toute l’existence politique et sociale de la bourgeoisie croulerait. Aussi voyons-nous partout et toujours que, quand la masse des travailleurs se remue, les libéraux bourgeois les plus exaltés, redeviennent immédiatement des partisans forcenés de l’omnipotence de l’État. Et comme l’agitation des masses populaires devient aujourd’hui un mal croissant et chronique, nous voyons les bourgeois libéraux, même dans les pays les plus libres, se convertir de plus en plus au culte du pouvoir absolu.

A côté de cette raison pratique, il y en a une autre de nature toute théorique et qui force également les libéraux les plus sincères à revenir toujours au culte de l’État. Ils sont et s’appellent libéraux parce qu’ils prennent la liberté individuelle pour base et pour point de départ de leur théorie, et c’est précisément parce qu’ils ont ce point de départ ou cette base qu’ils doivent arriver, par une fatale conséquence, à la reconnaissance du droit absolu de l’État.

La liberté individuelle n’est point, selon eux, une création, un produit historique de la société. Ils pré-