Page:Bakounine - Œuvres t1.djvu/77

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la famille pour le pauvre devient vite un fardeau, l’ignorance, une barbarie et nous dirions presque une bestialité forcée avec la consolation qu’ils servent de piédestal à la civilisation, à la liberté et à la corruption d’un petit nombre. — Par contre ils ont conservé une fraîcheur d’esprit et de cœur. Moralisés par le travail même forcé, ils ont gardé un sens de justice bien autrement juste que la justice des jurisconsultes et des codes ; misérables eux-mêmes, ils compatissent à toutes misères, ils ont conservé un bon sens non corrompu par les sophismes de la science doctrinaire ou par les mensonges de la politique — et comme ils n’ont pas encore abusé, ni même usé de la vie, ils ont foi dans la vie.

Mais, dira-t-on, ce contraste, cet abîme entre le petit nombre de privilégiés et l’immense nombre de déshérités a toujours existé, il existe encore : qu’y a-t-il donc de changé ? Il y a ceci de changé, que jadis cet abîme a été comblé par les nuages de la religion, de sorte que les masses populaires ne le voyaient pas, et aujourd’hui, depuis que la grande Révolution a commencé à dissiper ces nuages, elles commencent, elles aussi, à le voir et à en demander la raison. Ceci est immense.

Depuis que la Révolution a fait tomber dans les masses son Évangile, non mystique mais rationnel, non céleste mais terrestre, non divin mais humain —