Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Revenons à la Suisse. Chez nous, comme partout ailleurs, la classe des gouvernants est toute différente et complètement séparée de la masse des gouvernés. En Suisse, comme partout, quelque égalitaires que soient nos constitutions politiques, c’est la bourgeoisie qui gouverne, et c’est le peuple des travailleurs, y compris les paysans, qui obéit à ses lois. Le peuple n’a ni le loisir, ni l’instruction nécessaires pour s’occuper de gouvernement. La bourgeoisie, possédant l’un et l’autre, en a, non de droit, mais de fait, le privilège exclusif. Donc l’égalité politique n’est, en Suisse comme partout, qu’une fiction puérile, un mensonge.

Mais étant séparée du peuple par toutes les conditions de son existence économique et sociale, comment la bourgeoisie peut-elle réaliser, dans le gouvernement et dans nos lois, les sentiments, les idées, la volonté du peuple ? C’est impossible, et l’expérience quotidienne nous prouve, en effet, que, dans la législation aussi bien que dans le gouvernement, la bourgeoisie se laisse principalement diriger par ses propres intérêts et par ses propres instincts, sans se soucier beaucoup de ceux du peuple.

Il est vrai que tous nos législateurs, aussi bien que tous les membres de nos gouvernements cantonaux, sont élus, soit directement, soit indirectement, par le peuple. Il est vrai qu’aux jours des élections, les bourgeois les plus fiers, pour peu qu’ils soient ambitieux, sont forcés de faire leur cour à Sa Majesté