Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/188

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développent aujourd’hui une puissance formidable. Mais ce fait exceptionnel s’explique par deux raisons particulières, dont aucune ne peut s’appliquer à la France actuelle. La première, c’est la passion unitaire qui depuis cinquante-cinq ans n’a fait que croître au détriment de toutes les autres passions et de toutes les autres idées dans cette malheureuse nation germanique. La seconde, c’est la savante perfection de son système administratif.

Pour ce qui est de la passion unitaire, de cette ambition inhumaine et liberticide de devenir une grande nation, la première nation du monde, — la France l’a éprouvée également en son temps. Cette passion, pareille à ces fièvres furieuses qui donnent momentanément au malade une force surhumaine, sauf à l’épuiser ensuite totalement et à le jeter dans une prostration complète, — cette passion, après avoir grandi la France pour un espace de temps très court, l’a fait aboutir à une catastrophe dont elle s’est relevée si peu, même aujourd’hui, cinquante-cinq ans après la défaite de Waterloo, que ses malheurs présents ne sont rien, selon moi, qu’une rechute, un second coup d’apoplexie qui cette fois emportera certainement le malade, c’est-à-dire l’État militaire, politique et juridique.

Eh bien, l’Allemagne est travaillée aujourd’hui précisément par cette même fièvre, cette même passion de grandeur nationale, que la France a éprouvée et expérimenté dans toutes ses phases au commencement de ce siècle et qui, à cause de