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Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/262

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volutionnaires, que les jacobins-pygmées de nos jours admirent, sans parvenir jamais à en approcher.

Les commissaires de 1848[1] avant Juin, étaient déjà des bourgeois, qui, comme Adam et Ève après avoir mordu dans le fruit défendu, savaient déjà quelle différence il y a entre le bien et le mal, entre la bourgeoisie exploitant le travail populaire et le prolétariat exploité. Pour la plupart du temps c’étaient de pauvres diables eux-mêmes, prolétaires de la pire espèce, Bohèmes de la petite littérature et de la politique des cafés, gens déclassés, désorientés, sans convictions profondes, passionnées et sans tempérament. Ce n’étaient point des êtres vivant de leur propre vie, c’étaient de pâles contrefaçons des héros de 1793. Chacun avait pris un rôle, et chacun tâchait de l’exécuter tant bien que mal. |18 Ceux de qui ils tenaient leurs mandats n’étaient pas beaucoup plus convaincus, plus passionnés, plus énergiques, plus réellement révolutionnaires qu’eux-mêmes. C’étaient des ombres grossies, tandis qu’eux n’étaient que de petites ombres. Mais tous enfants malheureux de la même bourgeoisie désormais fatalement séparée du peuple, tous sortis, plus ou moins doctrinaires, de la même cuisine, l’Université. Les héros de la grande révolution avaient été pour eux, ce que [furent] les tragédies de Corneille et de Racine pour les littérateurs français avant la naissance de l’école romantique — des modèles classiques. Ils tâchèrent de les imiter et les imitèrent fort mal. Ils n’en eurent ni les caractères, ni l’intelligence, ni surtout la position. Fils de bourgeois, ils se sentirent séparés du prolétariat par un abîme, et ils ne trouvèrent

  1. Cet alinéa sur les commissaires de 1848 a été abrégé beaucoup dans la brochure (voir pages 128-129 de cette réimpression). — J. G.