Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/330

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heure sont les sujets obéissants, les esclaves d’un despote qui est tout entiché de son droit divin, et dirigés, commandés, poussés comme des automates, par des officiers et des généraux sortis de la noblesse la plus insolente du monde, ils sont — demandez-le à vos frères les ouvriers de l’Allemagne — les ennemis les plus féroces du prolétariat. En les recevant pacifiquement, en restant indifférents et passifs devant cette invasion du despotisme, de l’aristocratisme et du militarisme allemand sur le sol de la France, les ouvriers français ne trahiraient pas seulement leur propre dignité, leur propre liberté, leur propre prospérité, avec toutes leurs espérances |73 d’un meilleur avenir, ils trahiraient encore la cause du prolétariat du monde entier, la cause sacrée du socialisme révolutionnaire. Car celui-ci leur commande, dans l’intérêt des travailleurs de tous les pays, de détruire ces bandes féroces du despotisme allemand, comme elles-mêmes ont détruit les bandes armées du despotisme français, d’exterminer jusqu’au dernier soldat du roi de Prusse et de Bismarck, au point qu’aucun ne puisse quitter vivant ou armé le sol de la France.

Les ouvriers, par cette attitude passive, veulent-ils se venger des bourgeois ? Ils se sont déjà vengés ainsi, une fois, en Décembre, et ils ont eux-mêmes payé cette vengeance par vingt ans d’esclavage et de misère. Ils ont puni l’affreux attentat des bourgeois de Juin, en devenant eux-mêmes les victimes de Napoléon III, qui les a livrés, pieds et mains liés, à l’exploitation des bourgeois. Cette leçon ne leur aurait-elle point paru suffisante, et veulent-ils, pour se venger encore une fois des bourgeois, devenir aujourd’hui, pour vingt ans de plus et davantage peut-être, les esclaves et les victimes du despote prussien, qui ne manquerait pas de les livrer à