Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/450

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qu’ils |65 n’ont pas changé de nature aujourd’hui. Ce qui rend surtout le boutiquier si féroce, c’est, à côté de sa stupidité désespé |66 rante, la lâcheté, c’est la

    |65 « Rien ne saurait rendre la situation et l’aspect de Paris pendant les heures qui précédèrent et suivirent immédiatement la fin de ce drame inouï. À peine l’état de siège avait-il été déclaré, que des commissaires de police étaient allés dans toutes les directions ordonner aux passants de rentrer chez eux. Et malheur à qui reparaîtrait, jusqu’à décision nouvelle, sur le seuil de sa porte ! Le décret vous avait-il surpris vêtu d’un habit bourgeois, loin de votre demeure, vous y étiez reconduit de poste en poste, et sommé de vous y renfermer. Des femmes ayant été arrêtées portant des messages cachés dans leurs cheveux, et des cartouches ayant été saisies dans la doublure de quelques fiacres, tout devint matière à soupçon. Les cercueils pouvaient contenir de la poudre : on se défia des enterrements, et les cadavres, sur la route de l’éternel repos, furent notés comme suspects. La boisson fournie aux soldats (de la garde nationale, bien entendu) pouvait être empoisonnée : on arrêta par précaution de pauvres vendeurs de limonade, et des vivandières de quinze ans firent peur. Défense aux citoyens de se montrer aux croisées, et même de laisser les persiennes ouvertes : car l’espionnage et le meurtre étaient là aux aguets sans doute ! Une lampe agitée derrière une vitre, les reflets de la lune sur l’ardoise d’un toit, suffirent pour répandre l’épouvante. Déplorer l’égarement des insurgés ; pleurer, parmi tant de vaincus, ceux qu’on avait aimés, nul ne l’eût osé impunément. On fusilla une jeune fille parce qu’elle avait fait de la charpie dans une ambulance d’insurgés, pour son amant, peut-être, pour son mari, pour son père !
    « La physionomie de Paris fut, durant quelques jours, celle d’une ville prise d’assaut. Le nombre des maisons en ruines et des édifices auxquels le canon avait fait brèche témoignait assez de la puissance de ce grand effort d’un peuple aux abois. Des lignes de bourgeois en uniformes coupaient les rues ; des patrouilles effarées battaient le pavé……. Parlerai-je de la répression ?
    « Ouvriers ! et vous tous qui tenez encore les armes levées contre la République, une dernière fois, au nom de tout ce qu’il y a de respectable, de saint, de sacré pour les hommes, déposez vos armes ! L’Assemblée nationale, la nation tout entière, vous le demandent. On vous dit que de cruelles ven-