Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/484

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allemands n’ont pas le droit d’adresser des reproches à l’Empire russe. S’il chante faux, et certes sa voix est odieuse, la Prusse, qui constitue aujourd’hui la tête, le cœur et le bras de la grande Germanie unifiée, ne lui a jamais refusé son accompagnement volontaire. Reste donc un seul grief, le dernier :

« La Russie, disent les Allemands, a exercé, depuis 1815 jusqu’à ce jour, une influence désastreuse sur la politique tant extérieure qu’intérieure de l’Allemagne. Si l’Allemagne est restée si longtemps divisée, si elle reste esclave, c’est à cette influence fatale qu’elle le doit. »

J’avoue que ce reproche m’a toujours paru excessivement ridicule, inspiré par la mauvaise foi et indigne d’un grand peuple ; la dignité de chaque |102 nation, comme de chaque individu, devrait consister, selon moi, principalement en ceci, que chacun accepte toute la responsabilité de ses actes, sans chercher misérablement à en rejeter la faute sur les autres. |89 N’est-ce pas une chose très sotte que les jérémiades d’un grand garçon qui viendrait se plaindre en pleurnichant qu’un autre l’ait dépravé, l’ait entraîné au mal ? Eh bien, ce qui n’est pas permis à un gamin, à plus forte raison doit-il être défendu à une nation, défendu par le respect même qu’elle doit avoir pour elle-même  [1].

  1. J’avoue que j’ai été profondément étonné, en retrouvant ce même grief dans une lettre adressée, l’an passé, par M. Charles Marx, le célèbre chef des communistes allemands, aux rédacteurs d’une petite feuille russe qui se publiait en langue russe à Genève. Il prétend que si l’Allemagne n’est pas