Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/134

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d’ailleurs d’une manière naturelle et rationnelle. L’exemple que nous offrent les enfants et les adolescents, voire même beaucoup d’hommes qui ont bien dépassé l’âge de la majorité, nous prouve que l’homme peut exercer longtemps ses facultés mentales avant de se rendre compte de la manière dont il les exerce, avant d’arriver à la conscience nette et claire de cet exercice. Dans cette période du fonctionnement de l’esprit inconscient de lui-même, de cette action de l’intelligence naïve ou croyante, l’homme, obsédé par le monde extérieur et poussé |228 par cet aiguillon intérieur qui s’appelle la vie et les multiples besoins de la vie, crée une quantité d’imaginations, de notions et d’idées, nécessairement très imparfaites d’abord, très peu conformes à la réalité des choses et des faits qu’elles s’efforcent d’exprimer. Et comme il n’a pas la conscience de sa propre action intelligente, comme il ne sait pas encore que c’est lui-même qui a produit et qui continue de produire ces imaginations, ces notions, ces idées, comme il ignore lui-même leur origine toute subjective, c’est-à-dire humaine, il les considère naturellement, nécessairement, comme des êtres objectifs, comme des êtres réels, tout à fait indépendants de lui, existant par eux-mêmes et en eux-mêmes.

C’est ainsi que les peuples primitifs, sortant lentement de leur innocence animale, ont créé leurs dieux. Les ayant créés, ne se doutant pas qu’ils en fussent eux-mêmes les créateurs uniques, ils les ont