Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/235

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ouvrage sur le Capital[1], que si le contrat qui se conclut librement entre les vendeurs d’argent, sous la forme de salaires, à telles conditions de travail, et les vendeurs de leur propre travail, c’est-à-dire entre les patrons et les ouvriers, au lieu d’être conclu à terme seulement, était conclu pour la vie, il constituerait un réel esclavage. Conclu à terme et réservant à l’ouvrier la faculté de quitter son patron, il ne constitue qu’une sorte de servage volontaire et passager. Oui, passager et volontaire, seulement au point de vue juridique, mais nullement à celui de la possibilité économique. L’ouvrier a bien toujours le droit de quitter son patron, mais en a-t-il les moyens ? Et s’il le quitte, sera-ce pour

  1. Das Kapital, Kritik der politischen Oekonomie, von Karl MARX ; Erster Band. Cet ouvrage aurait dû être traduit depuis longtemps en français, car aucun, que je sache, ne renferme une analyse aussi profonde, |101 aussi lumineuse, aussi scientifique, aussi décisive, et, si je puis m’exprimer ainsi, aussi impitoyablement démasquante, de la formation du capital bourgeois et ce l’expoitnion systématique et cruelle que ce capital continue d’exercer sur le travail du prolétariat. L’unique défaut de cet ouvrage, parfaitement positiviste, n’en déplaise à la Liberté de Bruxelles, — positiviste dans ce sens que, fondé sur une étude approfondie des faits économiques, il n’admet pas d’autre logique que la logique des faits, — son seul tort, dis-je, c’est d’avoir été écrit, en partie, mais en partie seulement, dans un style par trop métaphysique et abstrait, ce qui a sans doute induit en erreur la Liberté de Bruxelles et ce qui en rend la lecture difficile et à peu prés inabordable pour la majeure partie des ouvriers. Et ce seraient les ouvriers surtout qui devraient le lire, pourtant. Les bourgeois ne le liront jamais, ou, s’ils le lisent, ils ne voudront pas le comprendre, et, s’ils le comprennent, ils n’en parleront jamais ; cet ouvrage n’étant autre chose qu’une condamnation à mort, scientifiquement motivée et irrévocablement prononcée, non contre eux comme individus, mais contre leur classe. (Note de Bakounine.)