Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/336

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coup plus compliquée que le Dieu de la sorcellerie primitive, cette dernière n’ayant d’abord pour objet que la représentation, sans doute déjà fixe, mais encore fort peu déterminée, de la Toute-puissance matérielle, sans aucun autre attribut, soit intellectuel, soit moral. La distinction du bien et du mal, du juste |180 et de l’injuste, y est encore inconnue. On ne sait ce que la Toute-puissance aime, ce qu’elle déteste, ce qu’elle veut, ce qu’elle ne veut pas : elle n’est ni bonne, ni mauvaise, elle n’est rien que la Toute-puissance. Pourtant le caractère divin commence déjà à se dessiner : elle est égoïste, vaniteuse ; elle aime les compliments, les génuflexions, l’humiliation et l’immolation des hommes, leur adoration et leurs sacrifices, et elle persécute et punit cruellement ceux qui ne veulent pas se soumettre : les rebelles, les orgueilleux, les impies. C’est, comme on sait, le fond principal de la nature divine dans tous les Dieux antiques et présents, créés par l’humaine déraison. Y eut-il jamais au monde un être plus atrocement jaloux, vaniteux, égoïste, vindicatif, sanguinaire, que le Jéhovah des Juifs, devenu plus tard le Dieu, le Père des chrétiens ?

Dans le culte de la sorcellerie primitive, le Dieu, ou cette Toute-puissance indéterminée sous le rapport intellectuel et moral, apparaît d’abord comme inséparable de la personne du sorcier : lui-même est Dieu, comme le fétiche. Mais à la longue le rôle d’homme surnaturel, d’homme-Dieu, pour un homme réel, surtout pour un sauvage qui, n’ayant