Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gressive dans l’histoire, représentent proprement le « moment »[1], le côté, la puissance négative dans le développement positif de l’animalité humaine, et créent par conséquent tout ce qui constitue l’humanité dans les hommes.

La Bible, qui est un livre très intéressant et parfois très profond, lorsqu’on le considère comme l’une des plus anciennes manifestations, parvenues jusqu’à nous, de la sagesse et de la fantaisie humaines, exprime cette vérité d’une manière fort naïve dans son mythe du péché originel. Jéhovah, qui, de tous les bons dieux qui ont jamais été adorés par les hommes, est certainement le plus jaloux, le plus vaniteux, le plus féroce, le plus injuste, le plus sanguinaire, le plus despote et le plus ennemi de la dignité et de la liberté humaines, ayant créé Adam et Ève, par on ne sait quel caprice, sans doute pour tromper son ennui qui doit être terrible dans son éternellement égoïste solitude, ou pour se donner des esclaves nouveaux, avait mis généreusement à leur disposition toute la terre, avec tous les fruits et tous les animaux de la terre, et il n’avait posé à cette complète jouissance qu’une seule limite. Il leur avait expressément défendu de toucher aux fruits de l’arbre de la science. Il voulait donc que l’homme, privé de toute conscience de lui-même, restât une bête éternelle, toujours à quatre

  1. « Moment » est ici synonyme de « facteur », comme dans l’expression : « le moment psychologique » (das psychologische Moment). — J. G.