Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/79

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Compagnie de Jésus. Une telle société ne manquerait pas de descendre bientôt au plus bas degré de l’idiotisme.

Mais il est encore une troisième raison qui rend un tel gouvernement impossible. C’est qu’une académie scientifique revêtue de cette souveraineté pour ainsi dire absolue, fût-elle même composée des hommes les plus illustres, finirait infailliblement et bientôt par se corrompre elle-même et moralement et intellectuellement. C’est déjà aujourd’hui, avec le peu de privilèges qu’on leur laisse, l’histoire de toutes les académies. Le plus grand génie scientifique, du moment qu’il devient un académicien, un savant officiel, patenté, baisse inévitablement et s’endort. Il perd sa spontanéité, sa hardiesse révolutionnaire, et cette énergie incommode et sauvage qui caractérise la nature des plus grands génies, appelés toujours à détruire les mondes caducs et à jeter les fondements des mondes nouveaux. Il gagne sans doute en politesse, en sagesse utilitaire et pratique, ce qu’il perd en puissance de pensée. Il se corrompt, en un mot.

C’est le propre du privilège et de toute position privilégiée que de tuer l’esprit et le cœur des hommes. L’homme privilégié soit politiquement, soit économiquement, est un homme intellectuellement et moralement dépravé. Voilà une loi sociale qui n’admet aucune exception, et qui s’applique aussi bien à des nations tout entières qu’aux classes, aux compagnies et aux individus. C’est la loi de l’é-