Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/104

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du travail du prolétariat. À son point de vue, quand cette exploitation marche bien, tout va bien, et, au contraire, quand elle s’arrête, tout va mal. Elle ne peut donc avoir d’autre idée que de la remettre en mouvement, par quelque moyen que ce soit, ce moyen fût-il même le déshonneur, la déchéance et l’asservissement de son propre pays. Et pourtant la bourgeoisie a besoin de la patrie politique, de l’État, pour garantir ses intérêts exclusifs contre les exigences si légitimes et de plus en plus menaçantes du prolétariat.

Elle se trouve donc prise dans une contradiction flagrante. Mais toute contradiction, toute position fausse, exclut la sincérité. La |3 bourgeoisie est hypocrite par nécessité, au point qu’elle n’ose point s’avouer à elle-même ses propres pensées. Elle parle beaucoup de patriotisme lorsqu’elle s’adresse au prolétariat, parce que ce n’est qu’au point de vue du patriotisme seulement qu’elle peut lui recommander ce culte de l’État, si funeste aux intérêts des masses ouvrières dont elle exploite le travail sous la protection de l’État, et par cette même raison si favorable aux siens.

Au fond de son âme la bourgeoisie est cosmopolite. La dignité et l’indépendance de son pays lui importent fort peu, pourvu qu’à l’intérieur elle trouve un large et libre marché pour les produits du travail national exploité par ses capitaux, et qu’à l’intérieur il y ait tranquillité et ordre public, ces deux conditions essentielles de toute exploitation