Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/315

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tinctif et qui la sépare encore aujourd’hui de la bourgeoisie des villes. Ce qui identifie ces deux classes, c’est l’exploitation brutale et impitoyable du travail populaire, l’impatience de s’enrichir par quelque moyen et à quelque prix que ce soit, et le désir de conserver en leurs mains le pouvoir de l’État, comme le moyen le plus sûr de garantir et d’élargir cette exploitation. Ce qui les unit enfin, c’est le but. Mais ce qui les sépare profondément, ce sont les moyens et les voies, c’est la méthode que chacune croit devoir employer pour arriver à ce but. La bourgeoisie rurale est ultramontaine, et la bourgeoisie des villes est gallicane ; ce qui veut dire que la première croit pouvoir arriver plus sûrement à son but par la subordination de l’État à l’Église, tandis que la seconde y tend au contraire par la subordination de l’Église à l’État. Mais toutes les deux sont unanimes en ce point, qu’une religion est absolument nécessaire pour le peuple.

Autrefois, avant la grande Révolution, et même avant la révolution de Juillet, sous la Restauration, on pouvait dire que la noblesse était religieuse et que la bourgeoisie était irréligieuse. Mais aujourd’hui il n’en est plus du tout ainsi. La noblesse, ou plutôt la bourgeoisie rurale qui a remplacé définitivement la noblesse, n’a pas conservé l’ombre de cette antique ferveur, de cette simplicité et de cette profonde naïveté religieuse qui s’était maintenue en grande partie parmi les gentilshommes de campagne jusqu’aux premières années du siècle pré-