Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/335

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Ce fut l’époque surtout où fut inauguré, sur une échelle très large, le commerce des consciences. Louis-Philippe, Duchâtel et Guizot achetèrent et payèrent le libéralisme légal et conservateur de la France, comme plus tard le comte de Cavour |35 acheta et paya l’unité italienne. Ce que l’on appelait alors le pays légal, en France, offrait en effet une ressemblance remarquable avec ce qui en Italie, aujourd’hui, s’appelle la Consorteria. C’est un ramassis de gens privilégiés et très intéressés qui se sont vendus ou qui ne demandent pas mieux que de se vendre, et qui ont transformé leur Parlement national en une Bourse, où ils vendent journellement leur pays en gros et en détail. Le patriotisme se manifeste alors par des transactions commerciales, naturellement désastreuses pour le pays, mais très avantageuses pour les individus qui sont en état d’exercer ce commerce. Cela simplifie beaucoup la science politique, l’habileté gouvernementale se réduisant désormais à savoir choisir, parmi cette foule de consciences qui se présentent au marché, précisément celles dont l’acquisition est le plus profitable. On sait que Louis-Philippe usa largement de cet excellent moyen de gouvernement.

Aussi le légitimisme, d’abord si farouche et si fier, de la noblesse provinciale de France se fondit-il ostensiblement, pendant la seconde moitié de son règne, sous l’action délétère de ce moyen irrési-