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Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/366

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monde ; mais que dire d’un ami du prolétariat, d’un révolutionnaire qui prétend vouloir sérieusement l’émancipation des masses et qui, en se posant en directeur et en arbitre suprême de tous les mouvements révolutionnaires qui peuvent éclater dans différents pays, ose rêver l’assujettissement du prolétariat de tous ces pays à une pensée unique, éclose dans son propre cerveau !

Je pense que M. Marx est un révolutionnaire très sérieux, sinon toujours très sincère, qu’il veut réellement le soulèvement des masses ; et je me demande comment il fait pour ne point voir que l’établissement d’une dictature universelle, collective ou individuelle, d’une dictature qui ferait en quelque sorte la besogne d’un ingénieur en chef de la révolution mondiale, réglant et dirigeant le mouvement insurrectionnel des masses dans tous les pays comme on dirige une machine, — que l’établissement d’une pareille dictature suffirait à lui seul pour tuer la révolution, pour paralyser et pour fausser tous les mouvements populaires ? Quel est l’homme, quel est le groupe d’individus, si grand que soit leur génie, qui oseraient se flatter de pouvoir seulement embrasser et comprendre l’infinie multitude d’intérêts, de tendances et d’actions si diverses dans chaque pays, dans chaque province, dans chaque localité, dans chaque métier, et dont l’ensemble immense, uni mais non uniformisé par une grande aspiration commune et par quelques principes fondamentaux qui sont passés désormais dans la conscience des